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BIENVENUE EN TALISSIE
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1 avril 2010

Rue Marcadet

Il y a dans ma rue une boutique un peu bizarre, pleine de vieux objets étranges qu'il est impossible en vérité de considérer comme inutiles, car les faits sont là : on fait la queue sur le trottoir pour ramper sous le store qui ne se relève jamais, entrer dans le gourbis obscur et noir où l'on se bat (on m'a battu moi) pour avoir tout, où l'on s'arrache des mains absolument n'importe quoi. Je ne vous dis ça qu'aujourd'hui parce que c'est hier finalement que j'ai réussi à tenir les huit jours d'attente que la file impose pour accéder au magasin. Jusqu'ici chaque fois, après cinq ou six jours à zigzaguer dans les rues attenantes et marcher derrière ceux qui nous précèdent et qui veulent comme nous (et peut être plus encore) franchir le seuil enchanté, je flanchais toujours en arrivant sur la bouche du métro Barbès (sachant qu'il faudrait deux jours encore pour longer le boulevard en le montant jusqu'au croisement d'avec la rue Marcadet). Mais avant avant hier, j'ai tenu! résisté! lutté... quand le doute émergeait ("franchement est-ce que je ne serai pas mieux devant un bon dvd à la maison?") je détruisais directement la moindre accroche qu'il avait jusque là trouvé en moi. ("Non... tais toi" je me disais. "pas de dvd. pas de maison! c'est non! non! lutte! résiste! Avance... continue. prouve toi cela, à toi. respecte toi. aime-toi! offre-toi cela. trouve la force de rester dans la file et fais la queue! allez petit garçon. allez...") je scrutais les enseignes sur le trottoir en face : "taxi phone", "kebab", je lisais, relisiais les lettres et les invertissais pour m'encourager : "phonbab", "takexi..." j'en étais à la millième combinaison quand j'ai vu le virage abrupt jaillir dans l'horizon. j'ai distingué le panneau qu'on avait cloué dans le mur de la rue qui coupait le boulevard à la perpendiculaire: "Mar... ça y est !" La journée qui passa fut la plus difficile de loin. des heures... des années, des siècles et des civilisations passèrent ou comme si. J'irradiai du cerveau. Fier... si fier. C'est vrai quand j'ai tourné réellement dans la rue, quand j'ai vu le store, quand... j'étais ému. je repensais à ma mère, mon père... mes enfants. Ils sont morts sans doute depuis que je suis dans cette queue mais pas pour rien. je pense à eux et c'est pour eux, pour leur hommage que je ramperai sous le store au petit matin. j'aurais le souvenir du sapiens bien cloué à mon coeur, je le loue. c'est la dernière nuit d'attente avant d'entrer au magasin, les étoiles, la lune et les arcs en ciel, mars... le trottoir s'illumine, la pluie donne à l'asphalte une origine antique où des rayons rebondissent illuminés. Le store... la position horizontale bien maintenue, apprise et répétée depuis quelques heures passées à scruter ceux qui me devancèrent en pénétrant la boutique adorée. c'est à moi... j'y suis. J'entre... j'entre... je me relève : dieu! Un bout de fer bleu pend sur une étagère @ ma gauche et je sais déjà qu'il est à moi. "Lâche ça fils de pute." bon... à ma droite alors : un pommeau de douche péruvien!! cette fois je sais qu'il faut être fort, agile, déterminé, compétent, convaincant, sûr de soi, intelligent : je vois le pommeau, bam, me rue dessus et l'enfouis dans ma chemise. "lâche ça..." non! "le pommeau!" je me répète dans ma tête et serre mes deux bras contre lui "le pommeau est à moi!" Je cours... j'esquive... je profite de mon élan pour attraper un vieux paquet vide d'hollywood chwimgum qui est exactement, exactement ce qu'il me fallait... Je cours... Je fonds le capharnaum en quête d'un vieil écran aple et descends les escaliers en colimaçon. Une jolie blonde à poil et à rousseur (sur la peau entière! exactement, exactement ce que j'adore: des tâches de rousseur partout, sur les seins, les côtes et les aisselles... exactement...) je l'embrasse et le pelote et la prends sous le bras et l'emmène et rit et rampe et jouit et ressort... cours chez moi, entasse tout ça dans un  coin pleure... de joie...  et encore ! je cours rejoindre la file et j'attends. La bouche de Barbès ne sera qu'une formalité à passer cette fois. un jeu d'enfant.       

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